1 mars 2010
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07:18
On n'arrête pas le progrès. L'asticot est devenu un médicament. On s'en sert notamment pour traiter les ulcères de la jambe. Les larves de mouche semblent en effet particulièrement douées pour désinfecter les plaies et tuer les bactéries, sans toucher aux tissus sains.
(On sait en fait cela depuis très longtemps, depuis Ambroise Paré, peut-être même les Mayas. Le médecin de Napoléon s'en est servi sur quelques grognards, et un docteur allemand pendant la première guerre mondiale. Mais comme on inventa ensuite les antibiotiques, on oublia les asticots. De nos jours, les germes infectieux devenant de plus en plus fréquemment résistants aux antibiotiques, on y revient).
Là où le progrès est vraiment spectaculaire, c'est sur le prix. Quand on s'en sert pour la pêche, l'asticot n'est pas cher. En médecine, c'est autre chose. Un laboratoire allemand le fournit en pansements au prix de 120€ l'unité. Mais s'applique ici sans doute la saine logique économique qui veut que ce soit plus cher dès lors que c'est remboursé.
Qu'est-ce qu'un ulcère, vulgairement parlant? Un trou, comme on le voit sur la photo. Celui de la Sécu, les asticots l'entretiennent.
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Le fil des jours
27 février 2010
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07:21
La mer est noire, et violemment lumineuse. On peut croire à un énorme clair de lune, ou à un soleil d'orage.
Rectangle noir, ligne blanche, écume. Quelle trace laissera l'oiseau?
Je pense à ce vers de Rimbaud :
"Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braise".
L'esprit voyage, contemple, rebondit. L'oiseau passe, en quête de poisson.
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Le fil des jours
26 février 2010
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07:12
Lorsqu'il était au lycée, Marcel Proust faisait les délices de son professeur de français, un nommé Gaucher. Mais il rédigeait déjà ses devoirs avec de longues phrases, pleines d'incidentes.
Un inspecteur d'académie vint un jour dans la classe, et le professeur, très fier, demanda à Marcel de lire une de ses dissertations. L'ayant péniblement écouté jusqu'au bout, l'inspecteur dit à Gaucher: "Dites-moi, vous n'auriez point, parmi les derniers de votre classe, un élève écrivant plus clairement et correctement en français ?"
Je tire cette anecdote du livre "Marcel Proust à 20 ans", de Jean-Pascal Mahieu, publié dans la même collection que le
Boris Vian de Claudine (Editions Diable Vauvert).
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Lu - vu - entendu...
25 février 2010
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07:26
L'analyse de l'ADN de sa momie et de celles de ses proches vient de révéler que Toutankhamon est, sans surprise, le fils de son père et de sa mère.
Cependant, son père et sa mère étant frère et soeur, il est aussi le fils de son père et de sa tante, le fils de sa mère et de son oncle, et le fils de son oncle et de sa tante. Il est donc son propre cousin.
C'est ici l'opposé de ce qu'on appelle un cousinage "à la mode de Bretagne", pour désigner des parents éloignés. Etre cousins "à la mode d'Egypte", c'est en réalité se confondre avec soi-même.
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Lu - vu - entendu...
24 février 2010
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Pour un occidental, l'endroit le plus éloigné où il peut se rendre sur la Terre, c'est
l'Inde. Ce pays est presque comme une autre planète. On y vit différemment, on y voit des scènes qui semblent d'une profonde étrangeté. C'est un lieu pour les contes, les dieux, les mystères. Le rationnel n'y a pas tué le surnaturel, l'individu est un maillon de la longue chaine de la vie, et chacun cohabite de la manière la plus organique qui soit avec les animaux, les morts, les ancêtres, les esprits.
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Le fil des jours
23 février 2010
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07:47
A propos des
dangers de la gourmandise, on sait que certains enfants font une allergie aux cacahuètes. Dans quelques cas, heureusement rares, les symptômes sont graves et peuvent même entraîner la mort. Conclusion apparemment de bon sens : éviter les cacahuètes dans les aliments destinés aux enfants.
Oui, mais... J'ai appris récemment de la bouche d'un spécialiste qu'en Angleterre, où l'on a interdit que l'arachide entre dans la composition de tels aliments, il y avait plus de morts qu'avant. Pourquoi? Parce qu'une exposition légère à l'élément allergisant favorise le développement de défenses de l'organisme, et que faute de cette exposition précoce, les personnes allergiques qui en mangent un jour font des réactions beaucoup plus violentes et dramatiques.
Le roi Mithridate connaissait bien la question, lui qui avalait chaque jour de petites quantités de poisons afin de s'immuniser contre eux. Il n'a pas dû se priver de cacahuètes. A 70 ans, après avoir guerroyé toute sa vie contre les Romains et perdu une ultime bataille, il se suicida difficilement : il échoua à s'empoisonner, et dut se faire transpercer par le glaive d'un de ses soldats. Eût-il vécu plus vieux encore, il aurait peut-être pu goûter cette vérité récemment formulée par Jean Yanne: "Les vieux adorent manger des cacahuètes. Ça leur rappelle leurs dents."
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Le fil des jours
22 février 2010
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07:50
Longtemps je me suis nourri de musique classique. Pendant toute mon adolescence, je n'écoutais pratiquement que ça. De 13 à 18 ans, disons. A mon arrivée dans les études supérieures, j'ai diversifié mes goûts, mais le classique a dominé encore longtemps.
C'est peut-être la raison pour laquelle j'ai toujours eu un faible pour les chansons pop qui s'essayaient à une hybridation avec le classique. Il y en a eu pas mal, avec des résultats très inégaux. Difficile souvent pour leurs auteurs d'éviter d'abuser du sirop des cordes, ou de la grandiloquence d'un orchestre.
Parmi les réussites du genre, figure naturellement "The long and winding Road" des Beatles. Mais les Beatles ne sont pas disponibles en streaming legal sur Deezer. Il y a bien une version live de Paul Mc Cartney, mais elle n'a pas le charme étrange de l'original. Alors je vous propose la très belle interprétation de Sarah Vaughan, qui ne cherche pas à imiter l'original, et commence avec la sobriété d'une sonate pour éclore à mi-chemin entre la ballade et le jazz.
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Play-list impossible
20 février 2010
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07:35
J'observe Claudine faire quelques dédicaces accompagnant l'envoi de son livre à des journalistes. C'est un exercice compliqué, qui me remémore une anecdote que m'avait racontée le Professeur Jean Bernard.
Lorsqu'il était encore jeune étudiant en médecine, Jean Bernard avait été invité à passer une journée dans la propriété de campagne de son professeur de l'époque. Arrivé sur les lieux, il eut la surprise et le bonheur de découvrir que parmi les convives, il y avait Paul Valéry. Nous étions à la toute fin des années vingt, et Valéry était au sommet de sa gloire.
Or, le Maître venait de publier un nouvel ouvrage, et avait ce jour-là une pile d'exemplaires à dédicacer. Il s'installe donc après le déjeûner sur la terrasse, à un bureau qu'on y avait apporté pour lui. Bien calé dans son fauteuil, il sort son stylo et prend le premier exemplaire de la pile, qu'il ouvre à la page de titre. Puis il laisse son regard errer longuement sur le paysage magnifique, la rivière, les bois, le ciel. Soudain, comme en un spasme, il plonge dans le livre, y trace vivement quelques mots, souffle sur l'encre pour la faire sécher, et le referme, en le posant à sa gauche. Il attrape alors l'exemplaire suivant. La même séquence se reproduit.
Jean Bernard observe la scène à distance. Il est surexcité à l'idée qu'il est en train de voir le génie en action. Il se demande quelles fulgurances peuvent bien jaillir ainsi de sa plume. Il se consume de fascination et de curiosité. Or voici que, pour satisfaire à un besoin naturel, le Maître se lève et s'éloigne de sa table. Jean Bernard n'y tient plus. Il s'approche, s'empare d'un des exemplaires fraichement dédicacés, et lit: "Cordialement, Paul Valéry".
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Le fil des jours
19 février 2010
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07:05
Pour ceux qui n'ont pas la chance d'emprunter ces jours-ci le métro parisien, voici ce qu'on peut voir sur les murs de 120 stations:
Je ne suis pas encore en haut de l'affiche, ni même du panneau d'affichage, mais je n'ai pas dit mon dernier mot !
Prochains concerts: le 17 mars à Charleroi (Belgique), festival mars en chanson, et (annoncé sur l'affiche) le 23 mars à l'Européen (Paris). Puis le 30 mars aux Trinitaires (Metz).
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Lu - vu - entendu...
18 février 2010
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07:47
Tout comme
Bernard-Henri Lévy, mais pour de tout autres raisons, ma maman a une relation particulière au botulisme. Il faut dire qu'elle est à la fois originaire de cette partie du
département des Landes qu'on appelle la Chalosse, où l'on s'enorgueillit de produire le meilleur foie gras du monde, et pharmacien, ayant longtemps travaillé sur la toxicologie.
Or, un des problèmes du foie gras, c'est sa conservation. Si sa mise en bocal ne se fait pas dans les règles de l'art, il y a un risque que s'y développe la toxine botulique. Que ce risque soit essentiellement théorique et que les derniers cas rapportés datent d'une époque déjà ancienne n'empêchait pas Maman, à l'ouverture d'un foie préparé artisanalement, de plonger son nez dans le bocal pour y détecter le botulisme à l'odeur. Je me rappelle l'avoir vue un jour jeter un foie magnifique, déclarant qu'il était infecté, et je me rappelle aussi ma consternation et celle des autres membres de la famille à la vue de ce morceau superbe atterrissant dans la poubelle plutôt que dans nos assiettes.
Je pense aussi qu'il y a derrière tout cela la notion bien catholique que le plaisir est dangereux. Le summum de la satisfaction gustative ne saurait s'atteindre l'esprit léger : il faut que puisse s'y cacher de façon sournoise un mal foudroyant et invisible. Le botulisme est une mise en forme bactérienne de la notion de péché. C'est,
mutatis mutandis, le sida des gastronomes.
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Le fil des jours