Notre fils Romain s'envole aujourd'hui pour la Birmanie. Il a trouvé un travail dans un groupe de medias anglosaxon qui monte là-bas de nouvelles chaînes de télévision. L'aventure professionnelle qui l'attend est assez rare: il va superviser la production d'une douzaine d'émissions. Jamais il n'aurait eu une telle opportunité en France.
On ne sait pas pour combien de temps il part. Viennent à l'esprit les récits d'exil, de tous les jeunes -et moins jeunes- qui sont partis tenter leur chance ailleurs que dans leur pays d'origine : les Européens vers les Amériques hier, les Africains vers l'Europe ou les Indiens vers les pays arabes aujourd'hui. Faire fortune, ou sortir de la misère, ou découvrir le monde, les motivations sont toujours les mêmes. Il s'agit de prendre son risque, de faire bouger quelque chose dans sa vie. Partir, s'exposer, changer, faire confiance.
Je crois qu'il est mûr pour l'aventure. Il va savoir faire la part des choses, goûter l'enthousiasme des commencements comme affronter les moments de doute, de cafard, de solitude. Toutes les rencontres, toutes les découvertes, toutes les expériences qu'il va faire, il va savoir s'en nourrir et les faire siennes. La vie s'apprête à lui offrir des saveurs intenses, des douces et des amères. Il saura faire le tri.
Les Birmans avec lesquels il a été en contact parlent, nous dit-il, une langue dans laquelle les sons "r" et "in" sont inconnus, et l'appellent Loma. Il nous raconte ça en riant, mais derrière le rire je perçois un imperceptible décalage, un léger déplacement d'identité, l'attraction d'une mue prochaine, la volonté joyeuse de revêtir une nouvelle peau.