J'avais lu intégralement l'Iliade, il y a très longtemps. Pour l'Odyssée, je m'étais contenté d'extraits. Je la découvre dans la traduction de Philippe Jacottet. Mon Dieu ! Quel choc !
Il y a bien sûr le voyage en lui-même, les aventures, les monstres, les rencontres fantastiques, l'errance jusqu'au rivage des Morts, et ces figures féminines (Circé, Calypso, Nausicaa, Pénélope) qui jalonnent le périple d'Ulysse. Il faudrait au moins un James Cameron pour porter cela au cinéma.
Mais il y a ensuite la longue attente d'Ulysse qui, de retour à Ithaque, refuse de se faire connaître, reste déguisé en mendiant, et finit par massacrer tous les prétendants de sa femme qui se sont installés dans son palais. Le premier auquel il s'attaqua, Ulysse « le frappa à la gorge, la pointe traversa de part en part la tendre nuque, il bascula, la coupe lui tomba des mains, frappé d'un trait un flot épais jaillit, par ses narines, de sang humain; d'un mouvement brusque du pied, il renversa la table, les mets se répandirent par terre...» Pour le second, Ulysse « le toucha sous le sein, la flèche vive lui perça le foie. Sa main alors laissa tomber l'épée; frappant la table de la tête, il s'abattit courbé en deux, faisant rouler les plats et une double coupe; il heurta la terre du front, dans la détresse, et des deux pieds ensemble bouscula un fauteuil; sur ses yeux tombèrent les ténèbres ».
Et ainsi de suite, enivré de violence, jusqu'au dernier, jusqu'à ce qu'une servante, entrant dans la salle, voie « les corps et le sang infini », et trouve Ulysse « au milieu des héros tués, éclaboussé de souillure et de sang, comme un lion qui s'éloigne, ayant dévoré un boeuf au pâturage: tout son poitrail, et ses mâchoires de part et d'autre, couverts de sang ».
Le chant XXII de l'Odyssée d'Homère, c'est plus sanglant que du Tarantino !